Histoire d'une
correspondance
Une figure
singulière

Le mécénat comme engagement

Des œuvres sociales et laïques (1905-1923)

La marquise Arconati-Visconti n’a pas seulement été la bienfaitrice des musées et de l’enseignement supérieur. Elle a aussi financé des œuvres d’assistance et des associations pour l’éducation laïque.

L’ordre public

Lettre de Gabriel Monod à la marquise, 22 juin 1905, MSVC 285 F. 5671.

Ces libéralités sociales étaient en grande partie suggérées par ses amis. Elles étaient aussi inspirées par l’ordre public tel qu’il était pensé par la bourgeoisie intellectuelle de la Belle Époque, milieu auquel la marquise appartient par ses origines et ses relations.

Son premier don connu date de 1905. Il s’agit d’un versement de 700 francs, à la demande de Gabriel Monod, pour aider deux œuvres versaillaises qu’il décrit dans sa lettre.

Sous l’influence de Joseph Reinach (1887-1914), la marquise prend part à la lutte contre l’alcoolisme. Reinach, qui est en charge du rapport auprès de la Chambre des députés, publie un livre alarmiste à ce sujet, que la marquise lit en 1911. Elle se fait à son tour porte-parole de cette cause auprès de ses amis et donne 3 000 francs à la Ligue nationale contre l’alcoolisme.

L’éducation laïque

Lettre du secrétaire général de la Fédération, A. Brunet, à la marquise, 26 décembre 1910, MSVC 279 F. 4125.

Le patronage de la marquise pour l’éducation laïque est en partie lié à ses convictions anticléricales, à l’unisson du dispositif législatif sur l’éducation mis en application au même moment. En 1910, elle souscrit à la Coopération féminine créée quelques années auparavant par Eugénie Risler (1850-1920), veuve de Jules Ferry (1832-1893) . Il s’agit d’une société encourageant le développement de l’éducation des jeunes filles. Après avoir souscrit à la Ligue de l’Enseignement laïc en 1909, elle fait une donation de 20 000 francs à la Fédération française de l’Education laïque en 1910 . Cette somme conséquente est récompensée par une médaille, remise par le Conseil directeur de la fédération. Dans cette lettre officielle d’A. Brunet, la Fédération saisi l’occasion de demander une nouvelle aide financière.

L’assistance

Par opposition à la charité chrétienne, les œuvres d’assistance de la fin du XIXe siècle sont laïques. La marquise est depuis longtemps sensibilisée aux aides sociales, comme en témoigne son désir, en 1882, de fonder une maison d’assistance par legs.

Après 1908 et jusqu’à la guerre, elle fait des dons réguliers à l’Œuvre des orphelins de la préfecture de la Seine.

Lettre d’Edouard Chavannes à la marquise, 7 janvier 1915, MSVC 263 F. 376-377.

La fondation « Alphonse Peyrat » à la Préfecture de la Seine (1911) est la plus importante des donations de la marquise pour l’assistance. Elle permet de porter secours aux agents blessés dans l’exercice de leurs fonctions et, dans le cas où ils seraient morts, de subvenir aux besoins de leurs veuves et orphelins.

Ce don a peut-être été suggéré par un proche, il a en tout cas été inspiré par des événements rapportés dans la presse. Plusieurs amis de la marquise, notamment Abel Lefranc, font partie du premier conseil d’administration.

Durant la Première Guerre mondiale, la marquise réalise onze dons pour des œuvres soutenant les soldats blessés, les veuves, les orphelins et les réfugiés. Elle est, entre autres, sollicitée par le philologue Édouard Chavannes, qui s’occupe d’œuvres de guerre à Fontenay-aux-Roses.

En 1917, elle fait une donation de 20 000 francs pour les pauvres de Rives-sur-Fure, en mémoire de Raoul Duseigneur.

Les œuvres sociales et laïques de la marquise Arconati-Visconti ont cependant moins contribué à sa renommée que son engagement en faveur du patrimoine et de l’enseignement supérieur français qui fait d’elle une figure tutélaire de la Troisième République.

« La dernière heure de l’année 1921 va sonner tout à l’heure et je repasse dans mon esprit les événements notables qui se sont accomplis dans notre tout petit monde universitaire ; et je trouve que votre nom et celui de M. votre père y sont associés d’une façon toute particulière. […] C’est tout de même consolant, au milieu de tant de préoccupations, de constater qu’il se fait un peu de bien autour de nous et que de réelles infortunes peuvent être soulagées par des dons et des fondations comme les vôtres. […] »
Lettre de Charles Bémont (1848-1939) à la marquise, 31 décembre 1921. MSVC 263 F. 150-151.

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Lettre de Charles Bémont à la marquise, 31 décembre 1921.
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Lettre de Charles Bémont à la marquise, 31 décembre 1921.
MSVC 263 F. 150-151.

Le destin singulier de la marquise Arconati-Visconti, née Marie Peyrat, se lit à travers le fonds de correspondance passive conservé à la BIS, véritable portrait en négatif de Marie Arconati-Visconti. Très marquée par l’éducation de son père, Alphonse Peyrat, qu’elle admire, elle fait de sa passion pour les sciences humaines et la politique ses domaines de prédilection. Portée par cet héritage paternel et aidée par sa fortune, la marquise parvient dans sa cinquantaine à devenir une figure importante du paysage politique, culturel et intellectuel. Admirée pour son intelligence et sa générosité, la marquise est reconnue à la fin de sa vie comme une mécène importante de toutes les grandes institutions du patrimoine et de l’enseignement supérieur en France.