Histoire d'une
correspondance
Une figure
singulière

Des réseaux de sociabilité étendus

La politique avant tout

Les relations politiques de la marquise s’établissent au sein des sphères du pouvoir français, belge et italien, ainsi que parmi la presse française.

Les premières réceptions à la Villa Balbianello

La marquise reçoit hommes politiques et journalistes dès les premières années de son veuvage. Avant d’ouvrir son hôtel parisien vers 1880, elle accueille généralement ses hôtes dans la bucolique Villa Balbianello, au bord du lac de Côme.

Carte postale d’Henry Roujon à la marquise, 10 septembre 1907, MSVC 297 F. 8099.

Parmi les invités, on remarque entre autres Léon Gambetta (1838-1882), Élie Le Royer (1816-1897) ou Joseph Magnin (1824-1910). Il s’agit d’amis ou de collaborateurs de son père, lequel séjourne lui-même volontiers en Italie. Après la mort de ce dernier en 1890, la marquise désertera les lieux.

De nouvelles relations liées aux crises politiques

Après 1890, les relations politiques de Marie Arconati-Visconti s’élargissent à d’autres convives. Ainsi, à l’occasion de l’affaire Dreyfus, elle ouvre son salon à Jean Jaurès (1859-1914) avant de l’en écarter en 1913.

Le différend entre Jaurès et la marquise commence vers 1905. Elle désapprouve, comme la plupart de leurs amis communs, son combat socialiste et pacifiste. Dans une lettre de 1906, Jean Jaurès tente d’expliquer ses idées à son amie.

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Lettre de Jean Jaurès à la marquise Arconati-Visconti, [1906].
MSVC 279 F. 4031-4035.
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Lettre de Jean Jaurès à la marquise Arconati-Visconti, [1906].
MSVC 279 F. 4031-4035.
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Lettre de Jean Jaurès à la marquise Arconati-Visconti, [1906].
MSVC 279 F. 4031-4035.
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Lettre de Jean Jaurès à la marquise Arconati-Visconti, [1906].
MSVC 279 F. 4031-4035.
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Lettre de Jean Jaurès à la marquise Arconati-Visconti, [1906].
MSVC 279 F. 4031-4035.
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Lettre de Jean Jaurès à la marquise Arconati-Visconti, [1906].
MSVC 279 F. 4031-4035.
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Lettre de Jean Jaurès à la marquise Arconati-Visconti, [1906].
MSVC 279 F. 4031-4035.
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Lettre de Jean Jaurès à la marquise Arconati-Visconti, [1906].
MSVC 279 F. 4031-4035.
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Lettre de Jean Jaurès à la marquise Arconati-Visconti, [1906].
MSVC 279 F. 4031-4035.
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Lettre de Jean Jaurès à la marquise Arconati-Visconti, [1906].
MSVC 279 F. 4031-4035.

L’historien Gérard Baal souligne toutefois qu’à partir de 1900 les convictions de la marquise l’amènent à accueillir des militants de la politique anticléricale française, tels Aristide Briand (1862-1932) et Émile Combes (1835-1921).

Une grande part du fonds de la BIS correspond à des échanges officiels, sans suite, avec des membres du gouvernement. C’est le cas par exemple des lettres du président Waldeck-Rousseau (1846-1904) et de René Viviani (1863-1925). Toutefois, quelques parlementaires français sont des amis très proches de la marquise, tel Ferdinand Dreyfus (1849-1915), en qui elle avait suffisamment confiance pour souhaiter qu’il fût l'un de ses exécuteurs testamentaire.

Les politiciens étrangers ne sont pas en reste. La marquise Arconati-Visconti entretient une correspondance très amicale avec le sénateur italien Léon Pelloux (1837-1907), ainsi que le bourgmestre de Bruxelles Émile de Mot (1835-1909) et sa fille Laure Lorthioir (1872-1956). La donation du Château de Gaasbeek à l’État belge, envisagée dès 1911, donne lieu quant à elle à des échanges avec le baron Beyens (1855-1934).

Dans la continuité d’Alphonse Peyrat

Une quinzaine de correspondants de la marquise ont d’abord été en relation avec son père. Certaines lettres, comme celles d’Élie Le Royer (1816-1897) ou d’Eugène Étienne (1844-1921), permettent de donner des nouvelles du sénateur à sa fille, qui devait alors séjourner en Italie. D’autres, comme celles d’Henri Brisson (1835-1912), relèvent de correspondances aussi amicales que durables.

Lettre d’Élie Le Royer à la marquise, 16 octobre 1880, MSVC 280 F. 4408-4411.
Lettre d’Eugène Spuller à la marquise, 1er janvier 1891, MSVC 298 F. 8278-8279.

En 1880 et 1882, Élie Le Royer donne plusieurs conseils à la marquise pour élaborer son testament. La lettre donne ensuite des nouvelles d’Alphonse Peyrat car sa fille est restée en Italie, à Figline. Deux semaines plus tôt, la marquise avait accueilli Le Royer à Balbianello pendant un mois.

Eugène Spuller, proche de Gambetta et d’Alphonse Peyrat, fut très marqué par la mort des deux républicains le même jour, l’un en 1882, l’autre en 1891. D’une plume lyrique, il adresse ses condoléances émues à la marquise.

Joseph Reinach (1856-1921)


Joseph Reinach (1856-1921) est représentatif des relations politiques de la marquise. Après avoir travaillé avec Alphonse Peyrat, il devient un des amis les plus proches de sa fille. Homme politique (il sera élu député à plusieurs reprises), républicain, il a été chef de cabinet de Gambetta dont il rédige une biographie que la marquise traduit pour lui en italien. S’il taquine la marquise amicalement sur ses travers dans leur correspondance, J. Reinach aborde avec elle des sujets de politique et d’histoire.

Comme elle, il est dreyfusard : on lui doit plusieurs ouvrages d’histoire immédiate et contemporaine pour défendre le capitaine. Il l’a également sensibilisée à des causes qui lui sont chères, comme la lutte contre l’alcoolisme.

Leur différend lors de l’affaire Thermidor — qui avait enflammée le Parlement — n’altère pas leur amitié. Par plaisanterie, la marquise le qualifie d’« adversaire de la guillotine », tandis qu’il lui choisit le surnom de « Maximilienne » en référence à son robespierrisme vivace.