Sir Kenelm Digby (1603-1665), philosophe et diplomate anglais, se trouve, entre 1630 et 1660, au centre d’un vaste réseau de la République des Lettres européenne. Infatigable voyageur, il s'illustre particulièrement comme un passeur d’idées entre la France et l’Angleterre. Esprit inclassable, il offre une synthèse originale des idées philosophiques, scientifiques et religieuses de son temps, dans le sillage des révolutions intellectuelles et scientifiques contemporaines. Longtemps boudé par l'histoire de la philosophie, sans doute parce qu'il n'élabore pas de système philosophique, il témoigne d'un moment particulier de la philosophie européenne, marqué par le syncrétisme et la tentative de synthétiser les apports des nouvelles philosophies : sa pensée est ainsi marquée autant par son intérêt pour les thèses d'Aristote ou de Paracelse que par la nouvelle faveur dont jouissent l'atomisme, le mécanisme, l'essor des mathématiques et surtout le cartésianisme.
Cette exposition virtuelle met à l’honneur ce passeur d’idées et de livres, dont la Bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne conserve une partie des collections qu’il avait amassées à Paris.
Bibliophile aussi généreux qu'excentrique, Digby avait déjà rassemblé à Londres une fabuleuse bibliothèque, qui fut saisie et, semble-t-il, détruite à la Révolution anglaise dans les années 1640. Sa bibliothèque parisienne est elle aussi réputée tant pour son éclectisme et sa richesse que pour le caractère remarquable de ses reliures.

Exemple des reliures en maroquin rouge à la Du Seuil de Digby, RR 4= 94.
À Londres et à Paris, où il réside de manière épisodique à partir de 1635, puis permanente à partir de 1643, mais aussi au fil de ses nombreux voyages, il échange sans relâche livres et idées, converse et correspond avec les savants les plus importants de son temps, qu’ils soient anglais, comme Thomas White (1593-1676) et Thomas Hobbes (1588-1679), ou français, comme Marin Mersenne (1588-1648), Pierre Gassendi (1592-1655) — à qui il offre sa propre lunette astronomique —, René Descartes (1596-1650) ou Pierre de Fermat (1607-1665). Passionné d’alchimie, ainsi qu'en témoigne la redécouverte récente de onze manuscrits alchimiques autographes à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, il écrit un traité médical sur la « poudre de sympathie », réputée soigner les plaies à distance, qui lui vaut une certaine célébrité en son temps.

A la mort de Digby à Londres en 1665, sa bibliothèque parisienne fut saisie par la couronne de France en vertu du « droit d’aubaine ». Quelques exemplaires remarquables furent prélevés pour la bibliothèque du roi : ils se trouvent aujourd’hui à la BnF où soixante-quinze ouvrages ayant appartenu à Digby sont répertoriés à ce jour. Il est toutefois possible qu'il y en ait davantage, car les notices anciennes ne mentionnent pas toujours les anciens possesseurs. Un catalogue fut rédigé pour une vente publique, qui comprend environ 3500 ouvrages représentant tous les formats et tous les domaines (Catalogue de livres, [1665], 56 p., BnF, RES P-Q-68). Une grande partie de cette bibliothèque fut rachetée par son parent, George Digby, 2ème Comte de Bristol, pour la somme colossale de 10 000 livres tournois, avant d’être dispersée à la mort de ce dernier lors d’une vente à Londres qui eut lieu en 1680. Toutefois, un certain nombre d’ouvrages furent acquis par des acheteurs français et certains trouvèrent le chemin des bibliothèques de collèges ou de maisons religieuses, comme l’Hospice des Incurables. C’est à la faveur des confiscations révolutionnaires que la plupart des livres ayant appartenu à Digby et conservés aujourd’hui à la BIS sont entrés dans ses collections où ils sont au nombre d’une centaine. Beaucoup portent l’estampille de la Bibliothèque du Prytanée, nom que porta la bibliothèque de l’Université de Paris de 1798 à 1803 ; et beaucoup, selon Émile Châtelain, proviendraient donc de l’Hospice des Incurables, sans que l’on connaisse les raisons de cette présence remarquable au sein des collections de l’établissement à la veille de la Révolution (Châtelain 77-80, Artier 111, Petersson 241-245). La BIS est, en l'état de nos connaissances, l’institution qui réunit le plus grand nombre d’ouvrages ayant appartenu à Digby au monde.

Une vie aventureuse et romanesque

Digby, issu d’une famille catholique de la petite noblesse anglaise, mène une vie aventureuse et voyage sans relâche.

Un auteur polygraphe respecté

Kenelm Digby est l’auteur de plusieurs ouvrages qui révèlent l’étendue de ses intérêts et de ses connaissances.

Un membre actif de la République des lettres

Les ouvrages conservés à la BIS sont le reflet de l'œcuménisme et de l'éclectisme d'un penseur en mouvement.

Un homme de foi au carrefour des religions

Au fil de sa vie et de ses voyages, Digby ne cessera plus de rassembler manuscrits et ouvrages sur le sujet de la religion.

Un bibliophile et un amateur de littérature

Pour Digby, les ouvrages sont sélectionnés aussi pour leur rareté, leur prix, leur iconographie, leur impression ou le prestige de leurs imprimeurs ou libraires.