Entre évolutions et permanences

Influences occidentales

Durant les décennies qui précèdent la mise en place de la politique du Sakoku, la cartographie japonaise connait une certaine imprégnation des savoirs européens. Introduites par les navigateurs Portugais et les Espagnols, les méthodes et techniques de la cartographie occidentale exercent leur influence.

Les modèles des cartes traditionnelles continuent d'être utilisés et reproduits mais les relevés sont plus proches des représentations modernes. Les côtes littorales, notamment, apparaissent souvent plus détaillées qu'elles ne l'étaient dans les cartes plus anciennes, volontairement schématiques. Ces progrès se décèlent tout particulièrement dans certaines cartes maritimes et les cartes dites de type « Jōtoku » (du nom du temple dans laquelle en a été trouvé un spécimen). Ils pourraient trouver leur origine dans les travaux du Portugais Ignacio Moreira qui parcourut le Japon au début des années 1590.

Dans le même temps, les cartes dites « Nanban » (des « barbares du sud »), introduites par les Jésuites et peintes sur des paravents, s'inspirent de précédents européens, parmi lesquels figure le planisphère d'Abraham Ortelius parue pour la première fois en 1570. Durant la période Edo, une carte de 1602, dérivée des travaux cartographiques réalisés à la cour de l'Empereur de Chine par le jésuite Matteo Ricci, sert de même de modèle aux mappemondes japonaises, offrant une alternative à la cosmographie bouddhiste.

En 1720, l'autorisation accordée par le shōgun Tokugawa Yoshimune d'importer les ouvrages occidentaux sans rapport avec le christianisme permet la circulation de globes, d'atlas et de traités géographiques européens. À la fin des années 1730, certains savants versés dans les « études hollandaises », ou rangaku, ont acquis une maîtrise du néerlandais suffisante pour traduire et transposer les globes et les cartes venus des Pays-Bas. Les travaux du géographe officiel Nagakubo Sekisui (1717-1801), souvent considéré comme le fondateur de la cartographie japonaise moderne, s'inscrivent dans ce mouvement et illustrent les changements techniques alors à l'œuvre dans la conception et l'impression des cartes. Collectant de multiples sources, il produit pour la première fois en 1779 une carte où figurent les lignes de longitude et latitude. Intitulée kaisei Nihon yochi rotei zenzu, « carte générale révisée du Japon », connue aussi sous le nom de carte de Sekisui, ou sekisuizu, cette carte est par la suite améliorée et rééditée à maintes reprises.

Spécificités japonaises

En dépit de l'influence des méthodes et instruments des savants européens, la cartographie japonaise demeure fidèle à ses propres modes de représentation de l'espace, proches des pratiques chinoises.

L'originalité de l'orientation, l'esthétique singulière des cartes picturales, la perspective à « vol d'oiseau », les portraits de ville en trois dimensions ont particulièrement fasciné les cartographes européens.

À partir de la fin de l'ère Edo et avec l'avènement de l'ère Meiji, l'influence de la cartographie européenne grandit mais l’archipel préserve longtemps des spécificités comme :

- la xylographie, technique d'impression venue de Chine et utilisée au Japon dès le VIIIe siècle : l'art des estampes japonaises, tel qu'il se développe à partir du XVIIe siècle, repose sur ce même procédé de gravure sur bois en relief ;

- l'usage du washi, papier japonais fabriqué à base de fibres végétales, connu pour sa résistance, particulièrement bien adaptée aux exigences de la xylographie polychrome. Ce papier, ordinairement confectionné à partir de fibres de mûrier, a souvent été improprement appelé « papier de riz » par les Occidentaux ;

- les codes couleur de la cartographie traditionnelle.