Des atlas

 

Les travaux d'Inō Takadata (1745-1818) marquent au tournant du XIXe siècle le renouveau de la cartographie japonaise en même temps que l'inscription de celle-ci dans le processus de construction nationale. Ses réalisations sont si détaillées que nombre de cartographes européens, disposant pourtant d'instruments plus sophistiqués, les ont conservées comme modèles.

Après avoir géré les affaires du puissant clan Ino, qui l'a adopté, cet autodidacte, passionné par les mathématiques, l'astronomie et la cartographie, déménage à Edo (Tōkyō) pour rejoindre le responsable de l'Observatoire astronomique, Takahashi Yoshitori. Âgé de plus de 50 ans, Inō Takadata demande au shōgun l'autorisation de cartographier le littoral japonais en utilisant des techniques modernes.

Sa première mission, menée à ses propres frais, le conduit en 1800 sur les côtes de l'île d'Ezo (Hokkaidō), encore mal connue et déjà convoitée par les puissances étrangères. Durant dix-sept ans, il continue de parcourir l'archipel pour cartographier l'ensemble des littoraux jusqu'à sa mort.

Ses cartes, stratégiques pour le pouvoir shogunal, passent en Europe dans les années 1830 par l'intermédiaire du docteur allemand Philipp Franz von Siebold qui en obtient des copies par des voies officieuses.

L'Atlas du Japon Kokugun Zenzu est l'un des premiers atlas complets des différentes régions du Japon. Comptant plus de soixante-dix cartes réparties en deux volumes, il a été compilé par les cartographes Motonobu Aoo et Toshiro Eirakayu à partir des travaux d'Inō Takadata. Répondant à une commande du shōgun Tokugawa, cet ouvrage était destiné à être offert aux hôtes de marque de ce dernier.

Dans l'édition xylographique quadrichrome, conservée à la BIS, les fleuves et les mers ont été colorés au moyen d'un bleu ciel unique. De courtes lignes brisées symbolisant des vagues, parsèment régulièrement les espaces maritimes. Le Mont Fuji a été, de manière exceptionnelle, figuré en vue à vol d'oiseau, représentation qui contraste avec le reste de la carte.

Le sens de lecture des livres japonais étant inverse de celui des livres occidentaux, la couture apparaît, volume fermé, à droite du plat de papier jaune supportant la pièce de titre imprimée. Cette couture à cinq piqûres est typique des reliures à ficelle dites « à la chinoise » ou « à la japonaise », qui maintiennent un ensemble de pages imprimées sur une seule face, pliées en deux feuillets, la face vierge n'étant pas visible.

La collection de cartes japonaises détenue par la BIS comporte un autre exemple d'atlas général du Japon. Intermédiaires entre le rouleau et le livre, ses deux volumes, dotés d'une couverture de tissu à motifs floraux stylisés, se présentent sous la forme d'une « reliure à plis » ou reliure « accordéon », obtenue par pliage est collage des feuillets imprimés. Cet atlas, imprimé à Kyōto par l'éditeur Fujimura Jiemon, diffère également de l'exemplaire précédent du fait que les cartes qui le composent ont été gravées sur cuivre et non sur bois.

Le premier volume s'ouvre sur une mappemonde, qui, contrairement à d'autres représentations japonaises de planisphères, n'est pas centrée sur l'archipel nippon. La carte consacrée à la région du Mont Fuji, bien que traitée à l'aide d'une technique de gravure différente, s'inspire clairement du même modèle que celle du Kokugun Zenzu.